Pour moi c'est un peu surréaliste de savoir que certains de mes amis proches ont vécu de près Katrina. Heureusement aucun d'entre eux ne faisaient partis de ceux qui sont restés à la Nouvelle-Orléans pendant la tragédie. Tous ont quand même des histoires pas banales à raconter. Parce qu'elle a bien voulu me mettre son histoire sur papier et me donner tout pleins de photos prises par sa famille, j'ai traduit celle de Kristen.
Kristen a 32 ans et est une des mes très bonnes amies. Elle a grandit à Chalmette, à l'Est de la Nouvelle Orléans, dans la paroisse de Saint Bernard. Elle vit maintenant à Baton Rouge où est elle est informaticienne. Sur cette photo elle est accompagnée de son père, Ronald, et son grand-père, Nathan.
“Toute
ma vie j’ai eu affaire à des ouragans. Quand j’étais plus jeune, ils n’ont jamais vraiment été un gros problème. C’était seulement une excuse de plus pour ne pas
aller à l’école, ou pour aller rendre visite à mes grands-parents. Au final on
revenait toujours à la maison et tout se passait bien. De temps en temps, on
voyait un arbre ou deux tomber sur une maison voisine, mais rien n’était jamais
arrivé à la nôtre.
Juste
avant Katrina, je venais de revenir à la maison après la fin d’un stage, et
commençais ma première semaine de Master à la fac. Le jour avant que l’ouragan
arrive sur nous, j’étais chez les parents de mon copain à Slidell, pour les
aider à préparer leur maison à la tempête, avant qu’ils partent à Poplarville,
dans le Mississippi, où ils avaient prévu d’attendre que la tempête passe. A
l’origine j’étais censée aller avec eux, mais après avoir suivi le parcours de
la tempête à la télé, je me suis rendu compte de la taille de l’ouragan et ai
réalisé que l’oeil de la tempête se dirigeait droit vers Poplarville. Alors j’ai décidé de me diriger vers Denham Springs,
à deux miles de Baton Rouge, et de rester avec toute ma famille. Nous étions 13
à rester chez mes grands-parents, toute la famille, de 2 à 80 ans.
On
pensait que tout se passerait comme n’importe quel autre ouragan, mais on a vite appris qu’il en était autrement. Nous avions perdu le courant rapidement, mais
nous avions prévu des jeux pour les enfants, des lampes de poches, des bougies,
des lampes au kérosène partout dans la maison. On suivait les informations tout
du long de la nuit, grâce à la télé et la radio qui fonctionnaient à pile et
batterie. J’étais terrifiée pour la famille de mon copain mais aussi soulagée
d’avoir décider de rester avec ma famille.
Le
lendemain nous avons entendu aux infos qu’il y avait une montée d’eau venant du
canal d’écoulement du Mississippi (Mississippi River gulf outlet, un canal qui
joint le fleuve Mississippi au eaux du golfe, à l’est de la Nouvelle-Orléans),
et que les digues s’affaiblissaient… Apparemment il y avait une barge mal fixée
qui défonçait la digue. Cette digue était ce qui protégeait Chalmette, la ville
où j’ai grandi et la ville où mon père vivait encore.

Puis
c’est arrivé… La digue a cassé et l’eau s’est engoufrée dans la
Nouvelle-Orléans et les villes alentours. C’était accablant de voir l’eau
atteindre les toits de toutes ces maisons. A ce moment là tu penses à tous ces
gens qui avaient décidé de rester chez eux. Où sont-ils? Comment vont-ils?
Ont-ils des provisions suffisantes ? Un de mes meilleurs amis, Randy, avait décidé de
rester sur place avec sa famille parce que sa mère travaillait à l’hôpital et
devait rester avec les patients qui ne pouvaient pas être déplacés. J’ai essayé
plusieurs fois de l’appeler mais il était impossible de joindre qui que ce soit
par téléphone portable puisque toutes les tours de réception étaient hors
service. J’ai essayé tous les jours et ce n’est qu’au troisième jour que j’ai
finalement été capable de le joindre. Je me rappelle qu’il pleurait en me
racontant son expérience.

Ils avaient tous dû monter sur le toit, après avoir
casser tous les distributeurs de nourriture dans la rue pour se faire des
provisions. Tout devait être rationné puisqu’ils ne savaient pas combien de
temps ils resteraient sans davantage de provisions pour le groupe. Quelques chips toutes les quelques heures,
une gorge d’eau par heure. Dans la chaleur louisianaise, c’est presque
impossible. Il racontait qu’un bâteau de secours était venu vers eux, et comme il
était costaud, on lui avait dit que les secours avaient besoin delui pour aider à sauver les
gens bloqués sur leurs toits. Il fallait faire attention aux serpents et aux
alligators, puisque ils était maintenant partout autour. Il fallait même faire
attention à certains individus. Il est arrivé à quelques reprises que des personnes tirent
des balles sur les équipes de sauvetage pour s’approprier les bâteaux. Il racontait
aussi que de voir tous ces animaux morts était perturbant: Chiens, cerfs, même
des chevaux et des vaches. Mais le pire a été de voir un premier corps humain.
Là ses nerfs n’ont pas tenu le
coup. Ils ont ramené les survivants à l’hôpital où sa famille se trouvait et
les morts au lycée de Chalmette. Quand les secours sont enfin venu les secourir
du toit de l’hôpital, ils leur ont dit qu’ils ne prenaient pas les animaux de
compagnie. A l’époque ils avaient deux petits chiens. Ils ont pu glisser le mini Chihuahua discrètement dans le bateau dans
un sac à main, mais ils étaient à peu près sûrs qu’ils ne reverraient jamais
l’autre. Je crois que c’est 6 ou 8 mois plus tard qu’ils ont retrouvé le chien
par l’intermédiaire d’un refuge en Caroline du Nord, qui essayait de réunir les
animaux avec leurs maîtres après l’ouragan.”
Il s'est écoulé un mois avant que le père de Kristen puisse revenir à Chalmette pour constater les dégâts dans son quartier.Voilà quelques une de ses photos.


Entre les voitures restées perchées sur les toits, les bâteaux retrouvés au milieu des quartiers résidentiels, les rues recouvertes de 20 centimètres de boue, et même les piscines déterrées du sol, il m'est encore difficile de m'imaginer voir ça en vrai.
Dans tous ces quartiers à moitié abandonnés pendant des mois, les vols étaient fréquents. Ambiance Far West... "Si tu me voles je te tire dessus".
 |
"Ivrognes avec des flingues! Vous pillez, on tire" |
"Ain't dere no more", ou comment se dit "It's not there anymore" avec l'accent et la grammaire typiques du sud des Etats-Unis... Cela veut simplement dire... C'est plus là.