jeudi 3 septembre 2015

Ouragan Katrina // Le témoignage de Kristen

Pour moi c'est un peu surréaliste de savoir que certains de mes amis proches ont vécu de près Katrina. Heureusement aucun d'entre eux ne faisaient partis de ceux qui sont restés à la Nouvelle-Orléans pendant la tragédie. Tous ont quand même des histoires pas banales à raconter. Parce qu'elle a bien voulu me mettre son histoire sur papier et me donner tout pleins de photos prises par sa famille, j'ai traduit celle de Kristen.



Kristen a 32 ans et est une des mes très bonnes amies. Elle a grandit à Chalmette, à l'Est de la Nouvelle Orléans, dans la paroisse de Saint Bernard. Elle vit maintenant à Baton Rouge où est elle est informaticienne. Sur cette photo elle est accompagnée de son père, Ronald, et son grand-père, Nathan.






“Toute ma vie j’ai eu affaire à des ouragans. Quand j’étais plus jeune, ils n’ont jamais vraiment été un gros problème. C’était seulement une excuse de plus pour ne pas aller à l’école, ou pour aller rendre visite à mes grands-parents. Au final on revenait toujours à la maison et tout se passait bien. De temps en temps, on voyait un arbre ou deux tomber sur une maison voisine, mais rien n’était jamais arrivé à la nôtre.


Juste avant Katrina, je venais de revenir à la maison après la fin d’un stage, et commençais ma première semaine de Master à la fac. Le jour avant que l’ouragan arrive sur nous, j’étais chez les parents de mon copain à Slidell, pour les aider à préparer leur maison à la tempête, avant qu’ils partent à Poplarville, dans le Mississippi, où ils avaient prévu d’attendre que la tempête passe. A l’origine j’étais censée aller avec eux, mais après avoir suivi le parcours de la tempête à la télé, je me suis rendu compte de la taille de l’ouragan et ai réalisé que l’oeil de la tempête se dirigeait droit vers Poplarville. Alors j’ai décidé de me diriger vers Denham Springs, à deux miles de Baton Rouge, et de rester avec toute ma famille. Nous étions 13 à rester chez mes grands-parents, toute la famille, de 2 à 80 ans.

On pensait que tout se passerait comme n’importe quel autre ouragan, mais on a vite appris qu’il en était autrement. Nous avions perdu le courant rapidement, mais nous avions prévu des jeux pour les enfants, des lampes de poches, des bougies, des lampes au kérosène partout dans la maison. On suivait les informations tout du long de la nuit, grâce à la télé et la radio qui fonctionnaient à pile et batterie. J’étais terrifiée pour la famille de mon copain mais aussi soulagée d’avoir décider de rester avec ma famille.
Le lendemain nous avons entendu aux infos qu’il y avait une montée d’eau venant du canal d’écoulement du Mississippi (Mississippi River gulf outlet, un canal qui joint le fleuve Mississippi au eaux du golfe, à l’est de la Nouvelle-Orléans), et que les digues s’affaiblissaient… Apparemment il y avait une barge mal fixée qui défonçait la digue. Cette digue était ce qui protégeait Chalmette, la ville où j’ai grandi et la ville où mon père vivait encore.


Puis c’est arrivé… La digue a cassé et l’eau s’est engoufrée dans la Nouvelle-Orléans et les villes alentours. C’était accablant de voir l’eau atteindre les toits de toutes ces maisons. A ce moment là tu penses à tous ces gens qui avaient décidé de rester chez eux. Où sont-ils? Comment vont-ils? Ont-ils des provisions suffisantes ? Un de mes meilleurs amis, Randy, avait décidé de rester sur place avec sa famille parce que sa mère travaillait à l’hôpital et devait rester avec les patients qui ne pouvaient pas être déplacés. J’ai essayé plusieurs fois de l’appeler mais il était impossible de joindre qui que ce soit par téléphone portable puisque toutes les tours de réception étaient hors service. J’ai essayé tous les jours et ce n’est qu’au troisième jour que j’ai finalement été capable de le joindre. Je me rappelle qu’il pleurait en me racontant son expérience. 


Ils avaient tous dû monter sur le toit, après avoir casser tous les distributeurs de nourriture dans la rue pour se faire des provisions. Tout devait être rationné puisqu’ils ne savaient pas combien de temps ils resteraient sans davantage de provisions pour le groupe.  Quelques chips toutes les quelques heures, une gorge d’eau par heure. Dans la chaleur louisianaise, c’est presque impossible. Il racontait qu’un bâteau de secours était venu vers eux, et comme il était costaud, on lui avait dit que les secours avaient besoin delui pour aider à sauver les gens bloqués sur leurs toits. Il fallait faire attention aux serpents et aux alligators, puisque ils était maintenant partout autour. Il fallait même faire attention à certains individus. Il est arrivé à quelques reprises que des personnes tirent des balles sur les équipes de sauvetage pour s’approprier les bâteaux. Il racontait aussi que de voir tous ces animaux morts était perturbant: Chiens, cerfs, même des chevaux et des vaches. Mais le pire a été de voir un premier corps humain. Là ses nerfs n’ont pas tenu le coup. Ils ont ramené les survivants à l’hôpital où sa famille se trouvait et les morts au lycée de Chalmette. Quand les secours sont enfin venu les secourir du toit de l’hôpital, ils leur ont dit qu’ils ne prenaient pas les animaux de compagnie. A l’époque ils avaient deux petits chiens. Ils ont pu glisser le mini Chihuahua discrètement dans le bateau dans un sac à main, mais ils étaient à peu près sûrs qu’ils ne reverraient jamais l’autre. Je crois que c’est 6 ou 8 mois plus tard qu’ils ont retrouvé le chien par l’intermédiaire d’un refuge en Caroline du Nord, qui essayait de réunir les animaux avec leurs maîtres après l’ouragan.” 

Il s'est écoulé un mois avant que le père de Kristen puisse revenir à Chalmette pour constater les dégâts dans son quartier.Voilà quelques une de ses photos. 






Entre les voitures restées perchées sur les toits, les bâteaux retrouvés au milieu des quartiers résidentiels, les rues recouvertes de 20 centimètres de boue, et même les piscines déterrées du sol, il m'est encore difficile de m'imaginer voir ça en vrai.









Dans tous ces quartiers à moitié abandonnés pendant des mois, les vols étaient fréquents. Ambiance Far West... "Si tu me voles je te tire dessus".

"Ivrognes avec des flingues! Vous pillez, on tire"


"Ain't dere no more", ou comment se dit "It's not there anymore" avec l'accent et la grammaire typiques du sud des Etats-Unis... Cela veut simplement dire... C'est plus là.

2 commentaires :

  1. C'est vrai que c'est intéressant d'avoir un point de vue "de l'intérieur", autrement que par les documentaires télé!

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  2. C'est un témoignage intéressant et émouvant aussi. On en apprend encore plus, sur ce qui a pu arriver aux gens sur place par rapport à tout ce qu'on vu dans les médias.
    Je me rappelle qu'à l'époque on avait beaucoup étudier et parler de Katrina en cours d'anglais au lycée, et puis encore pas mal à l'occasion des 10 ans évidemment, mais réaliser qu'on connait quelqu'un qui l'a vécu en vrai c'est encore autre chose !

    Et ses photos sont assez impressionnantes aussi !

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